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Qui êtes-vous, les French Gunners ?
Ils sont nés en France, mais leur club favori se situe à Londres. Depuis le début des années 2000, ceux que l’on connaît sous le nom de French Gunners sont nombreux dans l’Hexagone à vivre leur passion pour Arsenal à distance.

« Arsenaaaal, Arsenaaaal, Arsenaaaal » peut-on entendre retentir à quelques minutes du coup d’envoi de la demi-finale de Ligue des champions entre les Gunners et le PSG, mardi dernier. Nous ne sommes pas à l’Emirates Stadium ni dans un pub londonien, mais aux Lions, un bar situé au 153 rue du Chevaleret, dans le 13e arrondissement de la capitale française. Ce soir-là, ils sont un peu moins de 300 Frenchies rassemblés pour soutenir leur équipe, Arsenal, dans la ville de leur rival du soir, le PSG. Une belle ironie, mais pas une surprise : on parle peut-être ici du plus français des clubs anglais.
The Lions est devenu un lieu de rassemblement à Paris, comme il peut en exister d’autres. « J’avais racheté un bar rue Montmartre qui appartenait à un Anglais. Quand il était plus jeune, il jouait à l’académie d’Arsenal, replace Jean-Pierre Berthau, patron de l’établissement et fan de… Liverpool. Il s’était blessé, donc il n’a pas pu faire carrière, et avait ensuite acheté ce bar à Paris. Il avait fédéré une association de supporters d’Arsenal, donc quand j’ai racheté le bar, j’ai continué sur sa lancée. Et quand j’ai vendu en 2013 et acheté dans la foulée ici, j’ai continué la tradition et tous les supporters m’ont suivi ! »
Je cherchais les joueurs français qui cartonnaient à l’époque sur la Play 1.
Chacun a son histoire avec Arsenal, sa bonne raison d’être tombé amoureux d’une équipe qu’on ne peut aller voir jouer au stade tous les quinze jours. « Je cherchais les joueurs français qui cartonnaient à l’époque sur la Play 1. Donc j’ai commencé à jouer avec Arsenal, et de fil en aiguille, j’ai regardé à la télé et j’ai kiffé », pose par exemple Erwann, 28 ans, en attendant sa pizza. « Je supporte le club depuis la période des Invincibles. Surtout qu’il y avait beaucoup de Français avec de gros noms ! », partage Hussein, tout juste trentenaire. « Mon frère jouait à PES 2004 à l’époque, donc j’ai découvert à la fois le foot, Arsenal et Thierry Henry », poursuit Claire, avant de se faire couper par un « We are Mikel Arteta’s army » lancé pour chauffer le bar.
The Lions, Paris 13 ; Arsenal-PSG (0-1) pic.twitter.com/iy8UFQ7hzr
— ZuuBachoupS 🍭 (@fanpagetoulouse) May 2, 2025
Dans ce bar comme un peu partout dans l’Hexagone, ils sont nombreux à présenter la saison 2003-2004 comme le point de départ de leur passion pour les Gunners. Une époque à laquelle Arsenal pouvait compter sur sept joueurs français dans son effectif, de Titi Henry en passant par Robert Pirès ou Patrick Vieira, sans oublier le chef d’orchestre, Arsène Wenger, arrivé en 1996. Plus que des fans éparpillés, c’est une communauté à part entière, souvent connue sous le nom de French Gunners. Hussein parle d’une « famille », quand Gaspard dit être venu seul « pour ne pas être avec ses potes fans du PSG ».
La quête du pèlerinage à l’Emirates Stadium
Ces passionnés d’Arsenal, souvent moqués par les adeptes du « support your local team », ont le choix pour se trouver une famille, et donc entre deux associations officielles, Arsenal France et l’Arsenal Supporter Club de France (ASCFR). Créée en 2004 par un petit groupe de potes du côté de Valenciennes, cette dernière est aujourd’hui reconnue par le club d’Arsenal. « Le club nous met à disposition des places pour chaque match à domicile. C’est très limité, en général c’est quatre ou cinq par rencontre, explique le président de l’association Vincent Arfeux, en poste depuis une douzaine d’années. À partir de là, on choisit à qui on octroie ces tickets. Par exemple, quelqu’un qui est déjà allé au stade, on ne va pas le privilégier au profit d’un supporter qui n’y a jamais mis les pieds. » La télé, c’est bien ; le stade, quand on peut, c’est encore mieux. Un avantage qui profite à plus de 250 adhérents, un nombre limité pour essayer de faire profiter à chacun des services proposés.
Finalement, on se passionne pour le club, pour l’identité qu’il dégage.
Ce sont les inconvénients d’une relation à distance, il faut trouver des moyens de vivre sa passion autrement qu’en pouvant aller régulièrement soutenir ses petits protégés. Pour les non-abonnés à l’Emirates Stadium, il est préférable d’être un Red Membership, une adhésion à 40 euros l’année qui facilite l’achat de tickets. « Je suis allé quatre fois à l’Emirates Stadium en passant par le programme Red Membership. La dernière fois, c’était pour Arsenal-Brighton (1-1). J’avais fait l’aller-retour dans la journée depuis Paris ! », raconte fièrement Erwann.
En partie grâce à ce programme, Hussein a fait « 17 déplacements pour 0 défaite. Mon dernier match ? La victoire 2-0 contre le PSG en début de saison », se réjouit-il. Si certains chanceux ont pu réaliser leur rêve de gosse, « ça reste encore un objectif non réalisé après 20 ans de supporterisme » pour beaucoup, comme Salah, 29 bougies. Pour les plus anciens d’entre eux, on compte Loïc, 53 ans qui transpire pour les Gunners depuis la fin des années 1990. Habitant Londres à l’époque, il s’est rendu non pas à l’Emirates Stadium, mais dans l’ex-enceinte d’Arsenal avant 2006, « Highbury, où j’ai transmis cet amour à mes deux fils ! Ils sont maintenant encore plus fans que moi », raconte tout content le père de famille.
No Frenchies ? No problem
Ce n’est pourtant plus l’Arsenal très frenchie des années 2000 : Arsène Wenger est parti depuis sept ans, comme Olivier Giroud, et William Saliba est aujourd’hui le seul héritier tricolore chez les Gunners. Pas une raison pour ces supporters d’abandonner le club londonien. « Quand Wenger est parti, ça m’a beaucoup affecté, mais l’amour qu’il m’a donné pour Arsenal était si fort qu’il ne change pas », confie Hussein. Vincent Arfeux confirme. « Finalement, on se passionne pour le club, pour l’identité qu’il dégage. » Cette singularité, c’est particulièrement ce qu’aime Gaspard : « Le fait que beaucoup de Français soient partis ne me dérange absolument pas, au contraire. J’aime voir des p’tits jeunes du centre de formation qui en sortent avec une âme anglaise. »
Et les plus jeunes, alors ? Pourquoi aimer Arsenal quand on n’a pas connu ces belles années et cette proximité avec la France ? Dans la foule aux Lions, il n’y a pas que des trentenaires ou des quadras qui ont connu le dernier titre de champion d’Angleterre, en 2004. D’autres sont plus jeunes et ont dû se contenter de deux trophées lors des dix dernières années (deux FA Cup en 2017 et 2020) et de quelques campagnes en Ligue Europa, dont celle conclue par une finale perdue contre Chelsea en 2019 (4-1). « De base, je suis un grand fan de Mesut Özil, donc quand il a rejoint le club en 2013, j’ai commencé à suivre, répond Alexandre, 17 ans. J’ai beaucoup aimé le jeu proposé, et maintenant je suis toujours aussi investi. »
Même constat pour Tom, 20 piges : « J’avais commencé à suivre vers 2015 avec la bande de Français. C’est le club que supportait mon grand-père. Donc le week-end quand j’allais chez lui, je me posais devant la télé et j’ai commencé à m’intéresser. » Dix ans plus tard, cette passion s’est matérialisée par un déplacement à Londres en décembre dernier pour un vieux 0-0 contre Everton. « Supporter le club alors qu’il ne gagne quasi rien ? C’est là qu’on reconnaît un vrai supporter, c’est quand il est là quand ça ne va pas », assure-t-il.
Un kif qui se vit également sur les réseaux sociaux pour certains. Lounès, 22 ans, fait partie d’un groupe de cinq à la tête du compte X @ArsenalFansFR, plus de 134 000 followers au compteur : « Ça remonte maintenant ! J’avais 17 ans, je voulais transmettre cette passion au plus grand nombre. Depuis, je suis aussi actif pour la chaîne Youtube du compte, c’est toujours cool d’échanger entre supporters. » Certains seront au Parc des Princes, mercredi, pour la demi-finale retour contre le Paris Saint-Germain ; d’autres reviendront aux Lions, dans le 13e arrondissement ; d’autres encore se rongeront les ongles devant leur télé ou se défouleront à coups de gazouillis avec la communauté très active sur les réseaux. Avec l’espoir de voir Arsenal disputer une deuxième finale de Ligue des champions, le 31 mai prochain, pour peut-être séduire une nouvelle génération de Français qui deviendront des French Gunners.
Un Allemand au sifflet de PSG-ArsenalPar Quentin Toneatti, à Paris
Tous propos recueillis par QT